Lise Deharme, cygne noir
Nicolas Perge, ed. JCLattès, 2023
Nicolas Perge est réalisateur, producteur et auteur.
Illustration de couverture : photo de Man Ray
Ce livre est de grand intérêt. Et je l’ai lu avec passion, sans quelques questions sur ses choix narratifs.
Comme « desnosseuse » patentée j’y ai cherché les traces de Robert et je les ai trouvées (par ex, p.21,124,126,135,139,141,144,150,170,174,181,183,186,191-193). Dans ces dernières pages, c’est « sur le tarmac du Bourget » que la scène est prise, Lise et Youki attendant ensemble les cendres du poète – occasion de rappeler quelques souvenirs du temps de la résistance et de faire un bref rappel de quelques œuvres de Desnos – dont celles pour les enfants de Lise et Paul Deharme.
En un volume relativement court, Nicolas Perge, qui a réuni une précieuse documentation (tant privée que générale), propose une biographie de Lise Deharme, qui arrache de l’oubli cette personnalité qui fut perçue comme muse d’André Breton et d’autres surréalistes, à travers leurs écrits, avant d’être reconnue dans son rôle de mécène et d’animatrice de salons mondains et littéraires fort prisés de ce milieu. Elle apparaît pourtant dès 1922 comme écrivaine mais ce sont d’abord sa beauté, son insolence et son élégance dans sa manière de régenter ce milieu littéraire où elle se plaît à jeter le trouble, qui se révèlent. Ses aventures conjugales, sa liberté érotique et sexuelle la détournent d’une réelle attention à l’égard de ses deux enfants, Hyacinthe et Tristan, qui lui en garderont rancune. Est-ce d’avoir été mal aimée dans un milieu aisé dans sa prime jeunesse, qui expliquerait cette froideur maternelle ? Nicolas Perge le laisse entendre. Quoi qu’il en soit, après avoir touché à tous les possibles qui s’offraient à elle, c’est sans doute en Paul Deharme que Lise a gardé ses attaches profondes. Quant à ses enfants ils ne surmontent pas leur haine accumulée au cours des ans et laissent pour finir Lise esseulée dans la pauvreté comme dans ses derniers moments.
Cette haine court à travers tout le récit de Nicolas Perge, malgré son parti de garder un regard distant vis-à-vis des faits. Le fractionnement des épisodes évoqués de la vie de Lise se répartit en cinq actes comme dans la tragédie classique. Mais ce cadre traditionnel fait aussi valoir l’arbitraire de ce fractionnement. Certes, au bout du compte/conte Lise apparaît comme une victime tragique du destin. Fallait-il un récit si brisé en éclat pour le faire savoir ?
Marie-Claire Dumas, Association Les Amis de Robert Desnos
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